Un petit texte posté dans un groupe Facebook de bassistes
Bonjour
Un petit avis ultra perso à l’attention de ceux/celles qui aimeraient bien, mais qui n’osent pas.
Je suis un bassiste qu’il serait aimable de qualifier de très moyen et sans doute réaliste de considérer comme médiocre. Ce qui suit s’applique exclusivement aux gens dans mon cas.
Je jouais donc sur des basses frettées. Des basses frettées de qualité parce que je suis vieux et un peu fétichiste.
Il y a deux ou trois ans, j’ai acheté une très vieille Mayones fretless (pas défrettée, fretless, sans repère, avec une touche en ébène vierge de tout marquage). Je l’ai achetée parce que je lui trouvais une super gueule, que le vendeur s’en débarrassait pour une bouchée de pain ( réellement) et en me disant « tiens un jour j’essaierais bien » (rien que cette idée me filait des frissons).
Et puis il y a eu les confineries. Le groupe avec lequel je jouais s’est dissout, les studios de répète ont fermé.. bref, gratouillage à la maison.
Je me suis dit que c’était une pas mauvaise occasion d’essayer cette histoire de fretless, pour voir, puisque je n’avais plus la pression de la préparation de la répète suivante.
Et là… révélation.
Je vous la fais courte (c’est un rôle de composition), depuis, les studios on réouvert, je joue dans un petit atelier et je ne joue plus qu’avec elle, au point que je me sens un peu dépaysé lorsque je reprends ma fidèle vielle P51 (nippone je ne suis pas Crésus).
Ma morale de cette expérience c’est que la fretless c’est facile, agréable, confortable, tactile, naturel, y compris pour un bassiste médiocre, à quelques conditions (ça aussi c’est un point de vue très perso et cela concerne exclusivement les mauvais, les débutants, les timides, les avec les pieds en dedans, pas les virtuoses) :
1- opter pour une non-lignée, mais avec des points de repère sur la tranche bien situés à l’emplacement des notes (sur une basse frettée les repères sont entre les notes, la fretless oblige a penser « note » et plus « point sur la touche » ou « frette »)
2- fuir les défrettées (précisément pour la raison précédente, pour éviter de jongler pour essayer de se repérer)
3- ne pas se laisser enfumer par les repères et leur supposée aide, et ce pour deux raisons. La première c’est qu’on ne joue pas l’œil sur la touche et qu’en pratique on ne voit pas ces repères lorsqu’on joue, et la seconde c’est que si on appuie sur la ligne on est trop aigu d’un gentil quart de ton (un doigt écrasé ça fait plus d’un demi-centimètre de largeur)
4- connaître son manche, le connaître bien, être à l’aise avec. Pour la même raison, avec une fretless on est obligé de penser « note » et donc il faut savoir où elle est. Avec une frettée c’est différent, on peut appuyer un peu n’importe où entre deux frettes, la frette s’occupe de trouver la note.
5- être à l’aise avec les intervalles (si le doigt va naturellement sur une tierce, une quinte, une octave etc… ça aide a régler les problèmes de justesse qui sont loin d‘être aussi terribles que ça, à l’exception du triangle des Bermudes de la zone maudite des trois demi tons entre la 9eme et la 12eme frette où là, au début, c’est un peu coton).
Note : Quand on débute, pour bosser les intervalles, il ya un texte très bien de Jeff Berlin, qui n’est plus publié je crois, mais qu’on trouve facilement sur les internets, qui s’appelle « A compréhensive chord tone system for mastering the bass« . Le titre est excessif, un peu pompeux, limite mensonger, et Berlin ne s’est pas trop fatigué avec ce doc, mais pour acquérir quelques automatismes il est très très bien.
6- – virer psychopathe de l’accordeur (se battre avec la justesse sur une fretless fausse est un plaisir de fin gourmet que je subodore réservé aux virtuoses de l’instrument)
Si ces conditions sont réunies, la fretless c’est ZE panard et c’est pas spécialement dur. Lorsqu’on voit des gens faire des trucs incroyables avec des fretless, c’est parce que ces gens sont capables de faire des trucs incroyables avec une basse, pas parce que c’est une fretless, il feraient pareil avec une frettée ou une poêle à frire.
Après ça dépend sans doute de la musique, si c’est pour jouer de la musique du diable en faisant du headbanging le pied gauche virilement posé sur un retour de scène, pas sûr que la fretless soit idéale, mais pour tout le reste…. On peut obtenir un peu le son qu’on veut avec une fretless, comme avec une frettée, ça dépend de la basse, de l’ampli etc…le son chuitant façon contrebasse, c’est si on veut mais c’est pas obligatoire.